dimanche, octobre 30, 2005

07 — Lire, c'est voir d'un regard différent

Lire, c’est voir en somme, mais c’est voir d’une autre façon, en-deçà de ce qui est apparent, mais aussi au-delà. Car si on s’attarde un peu à concevoir ce qui est apparent, ce qui se présente aux sens et leur est immédiatement accessible, en particulier à ceux de l’ouïe et de la vue, on en vient à comprendre que rien de ce qui parvient à l’esprit n’échappe à l’ordonnancement intellectuel que l’on en fait. Le moindre objet qui tombe sous la coupe des sens reçoit un nom, ou est susceptible d’en recevoir un, un nom qui le caractérise dans son unicité et dans sa différence, celles de tel objet posé en face de tous les autres objets qui ne sont pas lui, comme dans sa généralité et sa ressemblance, celles de tel objet ayant les mêmes caractéristiques qu’un ou plusieurs autres objets, sans être entièrement chacun de ceux-ci à la classe desquelles il peut appartenir cependant.

À bien y penser, aucun objet n’est identique à un autre: si la ressemblance entre deux objets peut être «parfaite», i.e. exacte, comme dans la copie conforme d’un objet se modelant sur un autre, l’espace qu’occupe chacun des deux objets mis en relation de voisinage sera distinct. Et s’il arrivait qu’un objet en venait à déloger l’autre, pour occuper à son tour l’espace usurpé, la distinction persistera, même si elles est à peine perceptible, voire à l’oeil exercé, en raison de la similitude quasi exacte qui a présidé à leur façonnement. C’est que, pour que deux objets puissent occuper, en même temps et sous le même rapport, une même position à l’intérieur de l’espace-temps, ils seront nécessairement identiques en tous points, ce qui, en raison de leur impénétrabilité respective, serait absurde. Car il s’agirait alors d’un même objet qui, par un accident inouï, pourrait prétendre être deux alors qu’en réalité un tel dédoublement ne saurait caractériser ce qui est le même.

L’identité et la singularité sont donc des caractéristiques qui sont proprement inhérentes à toute chose de sorte que, ayant découvert une parenté de similitude entre deux ou plusieurs choses, et pouvant leur attribuer un concept en commun, pour signifier ainsi leur appartenance commune à une même classe, c’est déjà pour l’esprit se situer au-delà de l’apparence des choses pour habiter, quant à l’expérience personnelle, un autre monde, celui de l’intellect.

De plus, tout en admettant l’identité et la singularité d’une chose, il est possible néanmoins de concevoir celle-ci selon les parties constitutives de sa totalité, lesquelles peuvent aussi, ou non, appartenir aux autres objets de la même classe, de sorte à se situer en-deçà de l’apparence lorsqu’il s’agit de concevoir un objet individuel. Ainsi la pomme, avec sa pelure, que l’on peut manger ou détacher, sa pulpe comestible, son coeur et ses pépins: ceux-ci sont-ils certains des éléments constitutifs d’une pomme, ils ne sont pas pour chacun la pomme selon sa forme intégrale, tout en caractérisant telle pomme dont ils sont issus, sans oublier toutefois que toutes les autres pommes, si elles ont une pelure, une pulpe, un coeur et des pépins, n’auront pas la pelure, la pulpe, le coeur et les pépins de la pomme initiale de cet exemple. Cela est vrai, non seulement dans l’abstrait, mais également dans l’expérience concrète.

Encore une fois, pouvoir affirmer cela, c’est se situer en-deçà de l’expérience unifiée pour se transporter dans le monde intellectuel des parties, lequel monde partage avec celui des unités de posséder une réalité et des règles qui lui sont propres, une réalité éminemment subjective, sans que celle-ci ne consiste en la réalité d’une expérience concrète, tout aussi subjective puisqu’elle est aussi intériorisée, mais se référant à un ordre de réalité différent, le monde physique tel que nos sens peuvent le recevoir et l’interpréter.

Mais l’au-delà et l’en-deçà d’une chose peuvent devenir encore plus complexes dans l’explication qui leur est donnée, de sorte que le monde intellectuel qui servira à les appréhender prendra lui aussi plus d’envergure quant à l’extension et à la profondeur des significations susceptibles d’être contenues en lui. Car ce qui conviendra à une pomme ainsi qu’à toutes les autres choses d’une même espèce sont passibles d’être connues par lui; comme le seront toutes les caractéristiques de chaque pomme et de chaque chose d’une même espèce qui s’offrent à sa connaissance.

Certaines différences fondamentales pour distinguer les espèces entre elles sont susceptibles de se révéler à la conscience, telles celles qui existent entre le vivant et l’inerte. Outre pour celui-ci, de concevoir les différents types de matière inerte (liquide, solide, gazeuse, émettrice de lumière, de chaleur, de son, de gravitation, de radioactivité, etc.), et pour celui-là, les différentes formes que prend la vie, qui va des être unicellulaires aux êtres humains, en passant par toute la gamme des espèces végétales et animales, il y a cette autonomie caractéristique qui permet à l’être vivant de se distinguer du monde environnant, de l’explorer, se l’approprier, l’interpréter, l’incorporer, le transformer, s’y maintenir et se perpétuer. Or autant ces manifestations génériques sont susceptibles, par les concepts qu’ils reçoivent, de constituer et peupler un monde intellectuel, autant celui-ci est apte à reconnaître ces manifestations en chacun des objets particuliers et singuliers qui en révéleraient la présence et leur conférer avec justesse une réalité d’ensembles qui n’en nient pas les bontés essentielles et véritables.

Plus encore, le monde intellectuel des concepts possède une autonomie bien à lui, s’organisant selon des structures linguistiques portant sur le monde, pris dans son sens physique et métaphysique le plus large, ainsi que sur elles-mêmes, en tant que relatives au monde et s’insérant à l’intérieur de celui-ci, le tout en vue d’une communication éventuelle. Ce sont des structures, perpétuellement à découvrir puisqu’elles ne cessent de se modifier selon les avatars d’une progression historique qui s’avère parfois régressive et qui diffèrent également selon les langues qui les façonnent, lesquelles aussi échappent aux tentatives d’en fixer et d’en conditionner l’actualisation qui, même ralentie dans son élan créateur, ne saurait être totalement arrêtée.

Le monde intellectuel renvoie donc à une structure linguistique qui se relie à un esprit qui en redéfinit perpétuellement les rapports internes comme ceux existant avec le monde extérieur, social et naturel, s’enrichissant ce faisant de nouvelles expériences effectuées et conditionnant ce monde selon les idées, le projets, les vérités et les hypothèse qui en sont la création, mais en caractérisent aussi la fiction. À une structure qui se relie à un esprit susceptible d’entrer en rapport avec d’autres esprits, selon un partage d’expériences qui peuvent être mutuellement bénéfiques, que caractérisent éventuellement la coopération, la complémentarité, l’amour et l’amitié, la concertation et la synergie, ou encore selon leur contraire.

La construction et la réalisation de projets selon la répartition équitable des efforts et des bénéfices en résultant, dans la justice et l’accréditation ainsi que le respect de la dignité intégrale d’autrui, lorsqu’elle se présente ainsi, peuvent en procéder directement, ou encore à l’inverse, peuvent ne pas en caractériser l’exécution et leur inscription dans le temps, et de façon concomitante une grande famille d’esprits en rapport de fraternité peut en raison de cette action s’édifier, ou hélas, des regroupements fondés sur la haine et le ressentiment d’autrui se constituer, qui résulterait d’une activité contraire. Or, si tout cela tient de l’existence qu’une dynamique propre à la vie vient animer, c’est encore le monde intellectuel qui permet de concevoir, de consigner et de relater à la fois ce mouvement et ce dont il s’agit lorsque la notion de vie est évoquée.

Et que dire de cette vie encore? De ses origines, de sa cause, de sa raison d’être et de sa finalité? De ceux qui la vivent, qui collectivement ou seuls en partagent les moments importants et en défendent les réalisations? De ceux pour qui vivre, c’est vivre pour l’essentiel quant à soi seulement et par conséquent plonger de ce fait leurs proches, et indirectement, l’humanité dans le gouffre du nihilisme, ou encore la rapprocher de cet abîme? Du monde de l’esprit ainsi que des esprits, comme des intellects? Des anges et des dieux? Se situer à ce plan, comme à celui de l’expérience intime qui accompagne cette recherche et cette présence à la vie, avec ses émotions et ses sentiments, ses intuitions et ses inspirations, ses idéaux et ses ambitions, c’est encore se retrouver à interpeller le monde de l’intellect.

Or, si lire c’est voir, c’est voir avant tout avec les yeux de l’esprit, c’est consentir à regarder l’expérience telle que la construisent, ou la reconstruisent, les esprits qui lui donnent une forme abstraite, non pas en vue de la voiler au regard intime, sincère et profond, que l’on serait susceptible de porter sur elle, mais de la révéler sous une des multiples facettes avec laquelle elle se présente aux yeux de tel ou tel participant, observateur ou acteur qui fait l’effort de l’interpréter pour d’autres esprits, ouverts à en pénétrer le sens, selon les moyens techniques, visuels, auditifs ou autrement tactiles à sa disposition.

Lire, c’est donc se montrer réceptif à la richesse de l’expérience, telle qu’elle peut être présentée et interprétée par la conscience d’autrui, une richesse à ce point abondante qu’elle offre à chacun un théâtre qui lui permette de l’éprouver immédiatement en tant qu’acteur, en plus de lui offrir la possibilité de la considérer en tant qu’interprète auprès d’une multitude, sous autant de regards qu’il y a d’esprits et d’expériences individuelles et significatives pour l’en recouvrir.

Bref, lire c’est accéder au phantasme de l’existence, qui sobrement en documente les caractéristiques les plus prosaïques et les plus évidentes ou, de façon plus personnelle et émotive, enthousiaste, débridée, délirante parfois, mais sans être pour autant singulièrement hermétique, projette le lecteur dans un monde intime où lui sera révélé le secret des coeurs, de pensée, de la matière et de sa métaphysique.

Lire dans la mesure du possible, c’est voir avec d’autres yeux; c’est comprendre avec une intelligence renouvelée; c’est participer à l’esprit d’autrui, c’est répondre à l’invitation de pénétrer des mondes secrets mais accessibles pour les habiter un temps plus ou moins long de sa propre conscience et de sa propre personnalité; pour être éventuellement incité à se constituer à son tour en interprète de la réalité, susceptible d’enrichir la conscience et le sentiment d’autrui de ses perceptions, de ses conceptions, de ses intuitions, de ses inspirations et, qui sait, de ses illuminations parfois géniales. — Plérôme.

mardi, août 30, 2005

06 — Lire, c’est choisir

Si le concept de lecture peut être rendu par un mot grec, son étymologie nous renvoie à un terme latin. Car «lire» provient du verbe latin «legere», lequel suggère la notion de «cueillir, recueillir, ramasser».

Les arguments étymologiques ne sont pas tout-à-fait étanches lorsqu’il s’agit de rendre compte de l’usage contemporain d’un terme. Car si tout mot a une histoire, si tout concept procède d’un concept plus ancien, lequel peut avoir ses racines dans une langue étrangère ou primitive, le sens qui originalement lui était prêté peut ne pas s’être conservé durant le long cheminement historique qui aboutit au terme tel qu’il existe actuellement. Car, selon l’utilisation que l’on en fait et sous l’influence parfois de mentalités différentes propres à des cultures d’adoption ou simplement du fait que les mentalités indigènes ont vu s’opérer une évolution de leur regard sur le monde, le sens que reçoit un mot à une époque précise peut se voir radicalement transformé pour signifier, à des époques futures, tout autre chose. Ainsi en est-il du mot «char» qui, de véhicule de guerre ou de course tiré par des chevaux, est devenu le blindé armé d’un canon de nos campagnes militaires, en passant par une plate-forme mobile sur laquelle, en période de carnaval, évoluent des personnages costumés, animés ou sculptés, évoquant un thème ou une histoire.

À l’origine, «legere» possédait une variété de sens, parmi lesquels celui de «prendre connaissance pour soi», mais celui-ci était un sens dérivé, analogique, qui appliquait à un texte ou à un événement une activité intellectuelle sélective. Car si «legere» signifiait déjà lire au sens où aujourd’hui nous l’entendons, celui d’«intérioriser une information ou de communiquer un texte à haute voix», plus concrètement, il signifiait l’«action de cueillir ou de ramasser», puis celle de «dérober», ensuite celle d’«épier, surprendre», et enfin celle d’«opérer un choix parmi une variété d’alternatives». D’ailleurs, ce terme comportait alors un paronyme, «legare» qui, étant appliqué aux personnes, renvoyait lui aussi au sens d’effectuer un choix, mais dans le sens plus précis d’un recrutement en vue d’une mission à remplir (comme dans une mission diplomatique ou militaire) ou celui d’énoncer les dispositions d’une volonté à exécuter (comme dans un testament).

Or choisir n’est pas un acte anodin. C’est une action morale qui ne suppose pas seulement l’intériorisation ou l’appropriation d’une information pour l’emmagasiner dans la mémoire, quitte à la restituer lorsque les circonstances l’exigeront, comme ordinairement peut-être le terme de lire le suggère. L’action sélective présuppose certes cette faculté d’intériorisation et de mémorisation, mais elle suppose une activité encore plus fondamentale, puisqu’elle fait reposer sur elle la discrimination du jugement en exercice et l’éventuelle détermination d’une action concrète dont les fins sont estimées importantes pour la conscience qui l’accomplit.

Lorsque l’on choisit, on choisit entre des alternatives. Et qui dit alternative suggère en même temps des choses distinctes, dont la valeur est relative à un but, lequel suggère la priorité à accorder à une chose sur une ou plusieurs autres. Bref, c’est la nature du but qui conditionne le choix à apporter, puisque l’on peut aussi choisir de ne pas choisir, ce qui est en soi un choix, mais un choix qui oppose une situation actuelle, avec sa dynamisation propre en fonction d’un but qui, s’il n’est pas entièrement connu, demeure néanmoins actuel, à une situation éventuelle, à l’intérieur de laquelle une fin nouvelle en vient à remplacer une fin antérieure, la présomption étant que celle-ci est surannée, qu’elle a acquis une désuétude qui la rend moins désirable que son remplacement, qu’en somme, elle répond moins ou de façon moins immédiate au désir de ceux pour qui elle constituerait autrement une fin légitime.

Qui dit choix par conséquent, suppose une ou plusieurs fins possibles, lesquelles sont mesurées à une conscience désireuse et existeraient en fonction de celle-ci. De sorte que, en choisissant de rendre effectif un moyen en vue de parvenir à une fin, on choisit en définitive la fin correspondante, laquelle a toutes les apparences de l’être, en autant qu’elle renvoie en réalité à l’idéal le plus élevé à laquelle peut tendre une action vitale, comme en constitue et illustre en général le jugement. Ce qui signifie que la conscience qui choisit, choisit entre un certain nombre d’alternatives en fonction d’un idéal quelconque, lequel, réalisant une fin, sera estimé éminemment désirable précisément parce qu’il comble de façon optimale un manque, réel ou virtuel, qu’il importerait de savoir remplacer par le bien qui en résultera.

Tout choix tend vers un bien et tout idéal cherche à réaliser le bien. Comme il est dans la nature du bien désiré de n’être jamais unique, i.e. d’être toujours comparable à d’autres biens, la conscience sélective se trouve en tout temps à mesurer sa compréhension de ce qui constituerait la plus haute expression du bien aux instances éventuellement réalisables d’icelui, de sorte à susciter la préférence de l’une de celles-ci sur les autres. Une hiérarchie des biens s’instaure alors, laquelle se réfère alors nécessairement à une conception du bien qui n’est pas fixe ou stagnante, qui à la possibilité de différer d’une personne à l’autre, ou même d’évoluer d’un moment à l’autre à l’intérieur d’une même personne. Cette conception définissant ce que serait pour celle-ci un idéal métaphysique fondamental, la conscience jaugera contre cet idéal toutes les fins qu’elle serait susceptible de formuler en son for intérieur, pour déterminer laquelle lui correspondrait le mieux, compte tenu des circonstances et de la situation, et adopter l’ensemble des moyens qui lui permettront de la réaliser, en traduisant, par une action efficiente, ce qui conviendrait pour donner réalité à ce qui est estimé le plus souhaitable.

Deux fins se superposent et se conjuguent alors, celle qui constitue le but vers lequel l’action tend et celle qui définit la meilleure action en vue de cette finalité. Si lire suppose l’action de choisir, cela signifie qu’en lisant, l’esprit relatera son activité à un idéal, réalisant ce faisant une fin éventuelle dont l’issue ne peut être qu’un bien. Or, ce qui est le bien par excellence au point de vue d’un choix intellectuel, c’est la vérité, laquelle consiste à présenter parfaitement à la conscience ce qui est réellement, sans en même temps lui offrir la distraction de ce qui n’existerait que virtuellement.

Le mirage et le phantasme sont deux phénomènes qui exemplifient ce qui semble être, sans être réellement toutefois. Car si le voyageur du désert aperçoit, au loin, le reflet d’un oasis tant convoité, tellement sa soif est intense, et s’il choisit de se diriger vers l’image qui se présente à son imagination, il est voué à la certitude d’une mort par déshydratation puisque le but proposé ne saurait jamais se matérialiser. L’oasis entrevu peut bien exister, puisque le mirage est un phénomène de réfraction atmosphérique qui fait apparaître l’image de ce qui est, mais ailleurs que là où les sens le situent, empêchant l’oeil de s’orienter adéquatement sur elle afin d’en découvrir la source. Il n’existe donc pas de façon à ce que, apparaissant dans le mirage, on puisse en situer avec précision le lieu, la direction et la distance. Et puisque les vecteurs atmosphériques de ce phénomène varieront selon les conditions climatiques, toute espérance d’une extrapolation qui révélerait l’emplacement réel de la source du mirage s’avère aléatoire et vaine.

Le phantasme représente une autre forme que peut prendre la virtualité. Car dans le phantasme, la réalité immédiate à laquelle renvoie l’image du phantasme n’existe simplement pas, sauf dans l’imagination de la conscience qui la produit, de sorte que, se trouvant dans le souvenir, lequel réalise toujours l’impression dans l’esprit de ce qui a pu exister, mais qui n’est plus, la réalité représentée par le phantasme induit à croire en sa réalité effective alors que rien dans l’existence concrète ne la confirme. Tout choix, ou toute décision, qui reposerait une action sur la réalité de ce phantasme apparaîtrait alors à un témoin comme n’étant en aucune façon convenable. Cela étant que l’action qui émanerait de la conscience et qui se donnerait comme but un quelconque rapport à ce phantasme ne trouverait aucune explication adéquate aux yeux d’un tiers observant. Seule la conscience en laquelle naît le phantasme pourrait expliquer la nature de son contenu idéel, parfois même sans comprendre que, loin de posséder un réalisme objectif, il révèle plutôt le caractère d’une illusion.


Lire, par conséquent, c’est choisir en fonction de la vérité, d’une vérité qui tend vers la plus entière des complétudes possibles. Car il serait possible de glaner d’une lecture quelques bribes de vérité, sans avoir saisi l’intégralité de la vérité du propos que le lecteur s’évertue de comprendre et d’assimiler. Comme d’ailleurs, il serait possible aussi qu’un écrit ne renferme, parmi la multitude de propositions et d’affirmations qui sont avancées par son propos, uniquement des instances éparses d’une énonciation vraie et incontestable.

Ainsi, l’art du lecteur consiste précisément à recevoir du texte qui se présente à lui les significations qui, tout en étant porteuses de sens, le sont en vertu d’une énonciation de la vérité, à la fois extensive et approfondie, et reconnue comme telle par celui-là. À défaut de ceci, soit qu’ échapperont au lecteur des propositions et des idées éminemment vraies, sans que celles-ci ne soient clairement identifiées par lui comme pouvant l’être, soit qu’il prendra pour indubitables des propositions et des idées qui n’auraient pas la consistance de la vérité. De sorte qu’en agissant en fonction d’une connaissance préalable nullement rectifiée par une vérité qui, lui échappant, ne saurait conditionner ses délibérations, ses choix, ses jugements et ses conduites, le lecteur réalisera une action stérile, lorsqu’elle est comparée à celle du lecteur qui se serait laissé pénétrer par cette vérité. Ou encore, en agissant selon une nouvelle connaissance qui reposerait sur des propositions ou des idées illusoires, parce qu’ayant toutes les apparences de la vérité aux yeux du lecteur, sans que n’existe une confirmation définitive en ce sens, les jugements du lecteur ne sauraient que produire une action qui, étant fondée sur l’illusion, serait dissonante quant à celle dont on pourrait s’attendre que dans l’idéal il réalise.

Puisque lire, c’est choisir, c’est donc choisir d’abord ce qui convient à la vérité, le plus haut bien contre lequel tous les autres biens provenant de la lecture (le plaisir, l’évasion, l’acquisition des idées nouvelles, la rencontre des consciences et la communion des sentiments, des valeurs et des opinions) peuvent se mesurer. Pour que cela puisse se réaliser, l’esprit du lecteur doit apprendre à faire la différence entre ce qui est vrai réellement, et non pas simplement présenté comme l’étant, tout en ne laissant pas s’échapper la perception de vérités inattaquables, n’ayant pu reconnaître en elles des connaissances nouvelles réalisant éventuellement l’idéal du vrai. Seulement pourra-t-il alors prétendre agir de façon congruente, non seulement à un savoir qui est adéquat à un texte bien assimilé et interprété, mais aussi à un savoir fondé sur une vérité objective que rend le texte et qui constitue en quelque sorte l’idéal commun à l’écrivain comme au lecteur, celui que le lecteur recherche comme étant le bien le plus élevé pouvant procéder de son activité de lecture et celui que l’écrivain tente de réaliser à travers les révélations de son activité scripturale. — Plérôme.

mercredi, août 24, 2005

05 — Lire, le moyen du connaître

Qu'ont en commun les mots «anagnosis», «gnose», «diagnostic», «pronostic» et «agnosticisme»? C'est qu'ils renvoient tous, par la racine grecque sur laquelle ils sont fondés, au concept de connaissance. Avant d'être une secte de l'Antiquité, la gnose est, rappelons-le, la connaissance métaphysique des choses cachées et accessibles uniquement aux esprits disposés à la recevoir. Le diagnostic, c'est l'identification précise et sans ambiguïté d'une condition médicale ou d'une situation empirique, laquelle suppose que l'on en connaisse véritablement à la fois la nature, l'origine, le déroulement, les virtualités, les modalités relationnelles et la fin. Le pronostic, c'est la fin pressentie et anticipée d'un processus dont on a identifié à la fois la nature et la cause. Puisqu’il revient au diagnostic de préciser quelles seraient celles-ci, le rapport entre celui-ci et le pronostic devient évident: une erreur avérée du pronostic implique l’une de trois choses, soit le cours hautement irrégulier d’une situation ou d’un état adéquatement diagnostiqués, soit une intervention intermédiaire qui ait pu influer sur le cours des événements, soit une estimation grossière de l’état ou de la situation originelles. Quant à l’agnosticisme, c’est la relativisation du savoir à l’individualité des conditions qui peuvent influer sur les existences et, par conséquent, l’aveu de ne savoir parvenir à une connaissance universelle et éternelle, i.e. une connaissance qui n’est pas liée aux aléas de l’espace-temps. Comme le préfixe ana- l'autorise à comprendre, lequel suggère une nouveauté, un regain, l'anagnosis réfère au renouvellement de la connaissance que l'on acquiert par la lecture.

Si le concept de connaissance revient constamment dans ces exemples, le terme clef, c'est la vérité que ladite connaissance est censée recouvrir. Pour qu'une connaissance des choses cachées ne soient pas une illusion, une fiction, un conte, un rêve avec lesquels les consciences sont bercées et peut-être même bernées, elle doit être vraie, elle doit renvoyer à une réalité spirituelle qui est clairement comprise et tout aussi clairement énoncée, cette clarté étant la marque que reçoit la connaissance vraie se proposant comme telle. Il en va de même avec le diagnostic: pour que celui-ci ait quelque sens que ce soit, pour que, s'adressant aux objets concernés, il guide une action correspondante qui soit droite, complète et bienfaisante quant à ses résultats, la vérité qui est recouvert par celui-là doit être à la fois complète et inclusive de tous les éléments essentiels qui en caractérisent les différents moments. Quant au pronostic, celui-ci est toujours dans l'immédiat incertain quant à sa validité: car s'il espère traduire ce que les choses seront, consécutivement à l'entendement que l'on a de leurs caractéristiques essentielles et de leur causalité, la réalisation de l'anticipation ne peut s'afficher à proprement parler comme connaissance que lorsque la prévision se réalise et que le discours prospectif trouve sa contrepartie dans l'événement ou l'état réalisés. Comme pour le diagnostic, un pronostic faux ne repose au mieux que sur l'hypothèse et au pire sur le fantasme, dont les effets peuvent s'avérer désastreux si l'on ignore la précarité de leurs prémisses comme l'incertitude des extrapolations qui mène à tenter de comprendre ce que seraient les natures profondes et les implications éventuelles. Et si l’agnostique baisse les bras devant l’éventualité d’une connaissance supérieure, c’est qu’il dénie à la raison toute prétention à saisir une vérité qui transcende les confins de l’espace et du temps. C'est donc une conscience pondérée et sage qui est susceptible d'évaluer ses connaissances en termes de leur vérité probable et pour réserver son propos à ce dont elle peut être réellement certaine, en prenant bien soin de ne pas poser comme indéniable ce qui en réalité est à la fois hautement hypothétique et donc hasardeux quant à ses possibilités réelles.

Deux aspect s'entrecroisent donc dans la connaissance: la profondeur et l'extension. Lorsque l'on connaît une chose dans son intimité, lorsque l'on en saisit les moindre nuances, lorsque l'on sait dégager d'elle ce qui en constitue l'essentiel, pour le distinguer de l'accidentel, lorsque l'on sait tout ce qui fait qu'une chose est ce qu'elle est, tout en sachant aussi ce qu'elle n'est pas, lorsque l'on sait d'où elle vient, ce qui explique sa venue à l'existence, ce en vue de quoi elle existe, le comment de son existence et les affinités qu'elle est susceptible d'entretenir avec les autres choses, il est possible alors d'en affirmer une connaissance approfondie. Par ailleurs, lorsque l'on est en mesure d'en évaluer l'impact sur l'entourage, lorsque l'on peut prévoir quelle est sa situation dans le temps, ce qu'elle a été, ce qu'elle est présentement et ce qu'elle pourrait devenir, lorsque l'on est en mesure d'anticiper sur la réalisation de ses possibilités, passivement en constatant l'évolution de celles-ci selon les aléas de l'existence, ou activement en agissant, directement ou indirectement sur elles, bref, lorsque l'on en a une intelligence empirique qui, si elle est superficielle, puisqu'elle se fonderait alors sur l'observation et l'action sensibles, est néanmoins juste et adéquate aux idées que l'on en entretient, on peut alors concevoir que la connaissance étendue que l'on en a est véritablement complète.

Le rapport entre la profondeur et l'extension ne sont pas sans être problématiques, puisque la connaissance approfondie que l'on acquiert d'une chose ne saurait faire entièrement abstraction de sa situation dans l'empirie, comme la connaissance étendue que l'on entretient à son endroit ne saurait être totalement indépendante des idées que l'on formule à son sujet quant à ses caractéristiques intimes. Cela n'est pas dire qu'il n'existe aucune intuition spontanée à l'égard de ce qui est, susceptible de naître dans la conscience, ni que l'empirie ne serait pas susceptible d'éclairer la conscience quant à l'action d'une chose inconnue.

S'ils sont rares, puisqu'étant attribuables au génie, les exemples d'une inspiration, qui ne s'explique aucunement par la nature connue de la chose pouvant fournir une représentation nouvelle de celle-ci, existent néanmoins. Que l'on songe simplement à l'intuition d'Archimède qui spontanément a compris le principe de la gravité spécifique. Quant à l'expérience susceptible de produire une représentation inopinée et peut-être même inanticipable, lorsqu'elle est évaluée à la lumière de la connaissance que l'on en aurait, qui ne peut songer à l'exemple d'un héros qui se révèle, malgré que l'on ait cru jusqu'alors à une timidité qui ne laissait soupçonner aucun courage de l'ordre de celui révélé par les actions héroïques qui sont devenues les siennes. Mais peut-on seulement envisager une connaissance qui, se souhaitant empirique, ne référerait aucunement à une idée sur la nature d'une chose, telle qu'une conscience susceptible de profondeur pourrait en abriter? Et peut-on, à l'inverse, prétendre saisir la nature intime d'une chose dans la pureté de sa singularité, sans évoquer implicitement en même temps qu'elle puisse comporter une existentialité, i.e. une réalité, telle qu'elle se situe dans l'espace-temps de telle ou telle façon correspondante aux qualités et fluctuations de celui-ci?

Lorsqu'il porte sur un objet susceptible d'exister, i.e. appartenant à un royaume dynamique qui implique, même virtuellement, le déroulement de relations continuelles entre les êtres, l'acte de connaître n'est pas un acte figé, valant pour tous les âges et toutes les époques. Seule l'histoire en tant que regard sur un passé révolu, considéré comme n'étant pas susceptible de se reproduire puisqu'appartenant à une conception du temps strictement linéaire, peut prétendre découvrir des vérités nécessaires et immuables quant à l'existence des choses. Les mathématiques se proposent bien d'énoncer des vérités «empiriques» nécesssaires et vraies, telles que «2 + 2 = 4» ou «la ligne droite est le chemin le plus court entre deux points», mais ces propositions, si elles sont indéniables, le sont en réalité uniquement pour des univers conceptuels spatialisés et figés, qui n'allouent pas pour l'aspect dynamique, i.e. relationnel et vital, propre à l'existence. Et la noo-psychologie philosophique a bien postulé, et illustré, une nature pensante et sentimentale nécessaire et universelle pour tous les sujets conscients susceptibles de l'acte de penser, mais celle-ci, outre qu'elle soit formelle et donc susceptible d'une plasticité et d'une créativité matérielle quant aux aléas de l'existence, se rapporte à un être qui lui, est ni universel (existant dans tous les espace-temps), ni éternel (existant pour tous les espace-temps).

Si connaître, c'est posséder la possibilité d'opérer toutes ces discriminations quant à un savoir qui est à la fois profond et étendu; lire est celle de l'acquérir, par une activité qui le sollicite et le recherche, qui le découvre quant à la matière, soit dans la réalité intérieure à soi-même, soit dans le champ extérieur de l'empirie, et qui l'interprète et le réalise, quant à la forme, laquelle comprend pour l’essentiel la capacité dynamique et plastique, autant du sujet que de l'objet de la connaissance. Le texte livresque, qui réunit à la fois l'intériorité, révélatrice des pensées, des idées, des croyances et des connaissances intimes de l'intentionnalité, et l'extériorité, le contexte auquel renvoient ces contenus intellectuels, ne constitue qu'un aspect de la lecture. Car il est possible aussi de lire le grand texte de la nature, avec tout ce que ce concept dénote et connote, lequel a un message à livrer, pourvu que la conscience, arrivée à un seuil critique de sa maturité herméneutique, laquelle ne préjuge en rien de sa maturité physiologique, soit prête à y investir l'effort requis à en déchiffrer et interpréter le texte. Et lire étant un acte, il a la possibilité de confluer avec les autres actes et, se transformant en acte extériorisé, se métamorphoser en aucun de ceux-ci selon la loi qui régit les circonstances et la liberté de l'être conscient. — Plérôme.

jeudi, août 18, 2005

04 — La lecture, le moment originel d'une insertion dans l'histoire

L'écriture est une forme d'insertion dans l'histoire. Comme toute action d'ailleurs. Car écrire, c'est agir, et en agissant, toute personne laisse sa marque, une trace de son inclusion dans le temps qui constitue une expression et un reflet du genre d'activité qui traduit son passé et jette le pont sur son avenir. Ainsi peut-on considérer, mais non exclusivement comme telle, une vie comme étant l'ensemble de ces actions productrices de traces, lesquelles posséderont la qualité qui résume la nature et la valeur de l'action dont elles émanent.

Or, nulle action ne peut s'opérer en dehors d'un lieu, d'une époque et d'une culture qui en sont à la fois le théâtre et le suppôt, de sorte qu'en agissant, tout individu à la fois répond à sa nature d'être incarné à l'intérieur d'une conjoncture historique et réalise en quelque sorte, tantôt sa nature individuelle, avec les possibilités inhérentes à son être, tantôt le milieu culturel qui en constitue le point d'insertion, les deux étant cependant en conjonction étroite, voire parfois dissonante. Mais il y a plus encore, puisque, avec son action, l'acteur agit sur quelque chose selon une intentionnalité. De sorte que, si le milieu anthropologique et géophysique subit, supporte et même oppose une résistance à l'action dont il est la condition d'un engendrement, il reçoit également de lui une transformation dans la mire des mêmes paramètres que ceux ayant favorisé l'action.

Toute action intentionnée cherche à réaliser l'intention dont elle est porteuse. Admettant cela, on peut concevoir qu’elle agit par conséquent sur le milieu de façon correspondante à cette intention et ainsi révèle, par l'effet qui en résulte, la nature de l'intention qui est la sienne. Effet qui est positif ou négatif, qui ajoute ou qui enlève au milieu culturel selon un résultat qui, soit étant bon, le valorise, i.e. le rend meilleur ou plus acceptable aux autres membres du milieu culturel, ou, soit étant mauvais, le dévalorise, i.e. produit une qualité ou une réaction contraires. Une action intentionnée est dite bonne, mais non absolument, lorsqu'elle a pour objectif et cause la première conjoncture; elle est dite mauvaise tout aussi relativement lorsque la seconde conjoncture en ressort et, voulue comme telle, en est issue. Ou encore, ce qui valorise par son résultat est bon et procède d'une intention bonne, mais non pas absolument, l'intention mauvaise étant celle qui dévalorise par son résultat, de façon tout aussi relative encore. Car la perfection est un idéal dont on peut entretenir la prospective, sans jamais pouvoir la réaliser dans son intégrité essentielle, puisqu’elle appartient à la sphère de l’intemporel et de l’inconditionné. En ce sens, tout progrès est susceptible de le devenir.

Lire réalise aussi une action, mais la lecture est d'une nature telle que son effet premier est imperceptible par les sens du corps. Car au-delà de s'associer économiquement à l'auteur et à la réalisation de son oeuvre, lorsqu'il s'agit d'un texte écrit, et de s'associer par une présence active à l'oeuvre, naturellement issue de la Création et procède de l'empirie socio-culturelle, la transformation qui s'opère par la lecture, lorsqu'il s'agit de connaître, de comprendre et d'interpréter la réalité physique, n'apparaît pas du tout apparente à celui qui souhaiterait en observer objectivement les évidences.

La première caractéristique de l'action de lire, rappelons-le, se révèle dans une réceptivité, celle de la conscience à l'oeuvre qui en fait l'objet. Car la lecture est une sortie hors de soi en vue d'entrer en relation avec le non-soi de l'autre, d'entrer en communion spirituelle avec cet autrui, susceptible d'opérer une transformation en soi comme en lui. La puissance de la lecture consiste donc en cette possibilité d'occasionner une transformation multilatérale: si la transformation de l'auteur d'un texte ne semble pas à prime abord constituer un paramètre de l'action pour un lecteur de le lire, elle est néanmoins aussi réelle que celle pour lui de réaliser une oeuvre. Car le va-et-vient entre le moi (le soi de l'être individuel, tel que perçu par la conscience) et le soi (le soi de l'être, tel qu'il est selon sa nature et ses virtualités) que suppose l'action d'écrire n'est pas sans éveiller des prises de conscience et des intuitions introspectives débouchant sur une nouvelle perspective personnelle, laquelle ne sera pas sans influer sur les interprétations rétrospectives et les projections prospectives, susceptibles d'être par la suite réalisées chez l'auteur.

Mais une oeuvre accomplie simplement parce qu'elle apporte une satisfaction immédiate à celui qui la réalise serait en vérité incomplète s'il n'y avait pas également pour lui la possibilité, également chargée d'une valence transformatrice, qu'elle reçoive l'approbation d'un lecteur ainsi que le risque de susciter en lui un déplaisir, avec l'espoir bien sûr d'éprouver cette autre satisfaction, médiate celle-ci, d'apprendre que ce qui est issu en toute spontanéité et ingénuité du for intérieur de l'auteur peut avoir rencontré, chez le lecteur, une estimation réelle et même contribué proprement à sa croissance et à son épanouissement intérieurs. Et peut-être aussi pourrait-on ajouter à ces effets heureux le contentement éprouvé par tous les agents qui ont contribué à la réalisation physique du projet d’écriture et de lecture, pour chacun et tous les espaces, et à la possibilité pour le lecteur d'entrer en relation avec l'auteur et son oeuvre, lequel sentiment il serait injuste de réduire à une simple équation psycho-économique.

Du point de vue du lecteur cependant, cette transformation dépasse de beaucoup le stade d'une connaissance acquise et d'un sentiment qui pourrait en résulter, autant dans cette acquisition enrichissante d'une multiplicité de points de vue pour la culture personnelle de l'individu que dans le plaisir qui s'y rattache. Car quelle valeur pourraient recevoir cet affection et cette matière pour celui qui les éprouvent et les intériorisent si elles n'en restaient que là, si elles s'ajoutaient simplement à un trésor peut-être déjà abondant de connaissances et de souvenirs affectifs, bref si elles ne contribuaient en aucune façon à l'intégralité de la vie du lecteur, en l'incitant à percevoir, à ressentir, à communiquer et à agir différemment, en vertu d'une attitude nouvelle engendrée par ces nouvelles connaissances, images et sentiments redevables à la lecture d'une oeuvre nouvellement découverte (et parfois redécouverte).

Si celle-ci avait simplement servi à confirmer un lecteur dans son être, à avaliser implicitement à travers les propos tenus, les théories énoncées et les personnages auxquels elle a donné vie les aspects les plus valorisables de sa nature comme de ses conduites, elle serait déjà méritoire d'une reconnaissance explicite. Mais son pouvoir ne s'arrête pas là puisque, par cette ouverture sur autrui qu'elle favorise, elle a la possibilité, par son entremise, de transformer tout un monde, de lui faire découvrir l'infinie variété des possibilités qui affèrent à celui-ci comme à tous ses ressortissants, et de lui faire prendre conscience qu'en tant qu’acteur social virtuel, le lecteur peut aussi aspirer à en corriger les déficiences qui, avec le parcours de l'histoire, s'y seraient peut-être accumulées, à en protéger et à en consolider les acquis valables que le travail de la nature et des hommes y aurait durant ce temps apportés et à proposer, pour les réaliser, des innovations bénéfiques et bienfaisantes qui iront dans le sens de ceux-ci, pour avec les contributions espérées, faire profiter de ses bienfaits le genre humain ainsi que, sans discrimination issue de caprices ou de préjugés sans fondement, l'ensemble de ceux qui en font partie.

La puissance de la lecture est analogue à celle d'une semence qui doit s'abandonner au passage du temps, à l'effet des conditions climatiques et météorologiques, à la condition et à la richesse du milieu d'insertion afin d'arriver, avec tous ces aléas, et parfois malgré eux, à générer un être vivant. Sans la conjoncture heureuse de toutes ces conditions, la possibilité pour cette semence de pouvoir un jour s'épanouir s'avère problématique, même si, au-delà de tout espoir, un être peut résulter d'une semence exposée à une combinaison désastreuse de conditions qui semblaient s'être liguées à l'encontre d'un tel aboutissement. Sans cette semence toutefois, rien ne laisse prévoir la possibilité pour cet être de naître, de croître et de se développer pour arriver à maturité.

C'est dans la passivité de la semence que celle-ci parvient à se réaliser, même si, pour la conscience et l'être de l'homme, cette analogie doit aussi allouer pour une intention, un désir, une motivation et une action qui feront la promotion des transformations intérieures opérées par la lecture et favoriseront leur concrétisation dans une attitude, une conduite et une action qui assureront leur survie et leur perpétuation. Comme la conscience choisit d'accomplir l'action de lire, elle choisit aussi, ou du moins a-t-elle la possibilité d'en prendre l'initiative, de porter celle-ci à sa conclusion ultime, celle de vouloir qu'elle aboutisse à une prise de position, à une attitude, à une perception, à une compréhension et finalement à une action qui ne se seraient pas révélées si à l'origine il n'y avait pas eu une lecture pour les inspirer, dans les idées explorées et transmises.

Lire, c'est déjà apprendre à réfléchir; et écrire, c'est faire part à autrui, voire éventuellement, de ses réflexions. Lire, c'est confronter ses réflexions à celles d'un autre, comme c'est aussi ouvrir ses perspectives à celles d'autrui, susceptibles éventuellement d'ajouter aux siennes ou de les transformer; écrire, c'est rendre disponible à un public une matière qui rende possible toutes ces réalisations intérieures à l'esprit. Ainsi s'établit la complicité, mot pris en bonne part, de l'auteur et du lecteur, en vue de l'insertion dans l'histoire des pensées une matière valable et génératrice de bienfaits pour une humanité en devenir, se réalisant selon ses possibilités les plus élevées et les plus complètes. — Plérôme.

mardi, août 16, 2005

03 — Lire renvoie au secret, au mystère

Si écrire livre un secret, entendu par là non pas quelque chose qui, sous le coup de l'interdit, ne doive pas être dévoilé, mais quelque chose qui, intime à la réalité ou aux consciences, ne saurait se deviner avec confiance sans qu'elle soit révélée, lire par conséquent, c'est participer à ce secret, c'est accepter de se laisser influencer par lui, c'est à la fois reconnaître son ignorance quant à certaines choses qui échappent à la conscience immédiate et désirer que cette ignorance soit dissipée.

Mais c'est plus que cela encore, puisque c'est savoir accorder à une situation ou à un individu autre une importance telle que l'on accepte, même un bref moment, de faire l'abnégation de soi pour se laisser infuser par l'esprit et la pensée de l'autre et peut-être même consentir à ce que celui-ci exerce une influence déterminante sur soi, sa conscience, son attitude, ses choix, sa conduite. Étant une attitude active et non passive, c'est non seulement se rendre disponible à une telle alchimie dont la médiation est assurée par les caractères, les mots et les idées, c'est créer une situation à l'intérieur de laquelle cette disponibilité devient possible, c'est rechercher les occasions de combler son ignorance, d'éclaircir ses propres pensées, de confronter ses idées avec celles d'autrui et ainsi de s'ouvrir à de nouvelles perspectives.

Bref, si lire s'accomplit d'ordinaire dans la solitude, la lecture est loin d'être une activité asociale, elle est au contraire une action éminemment sociale, puisqu'elle suppose toujours l'autre, non seulement en la personne de l'auteur et de l'écrivain, mais aussi en celle des acteurs de l'oeuvre qui, même inanimés, comme dans les textes abstraits ou traitant de la nature, de ses forces et de ses objets, représentent une réalité qui exige que l'on se dépasse soi-même, pour adéquatement savoir les confronter. Si cela peut être vrai des choses et des objets sans personnalité, combien plus le serait-ce encore lorsque les habitants de l'imaginaire scriptural sont animés et renvoient à une nature consciente qui interpelle nos pensées et nos émotions les plus secrètes et les plus intimes. Même que, paradoxalement, la lecture peut constituer une réponse à un milieu extérieur structurellement asocial, ou perçu comme tel, en bloc ou selon certaines de ses parties, en ce qu'elle protège la conscience du lecteur du risque d’en être happé et englouti, en lui offrant une alternative spontanément et intuitivement reconnue par l'esprit comme étant qualitativement meilleure et plus agréable à supporter.

Voilà en effet ce dont il s'agit, lorsque l'on répond à une intériorité par sa propre intériorité, d'une vie intérieure alimentée à même une réalité qui est elle-même le produit et le reflet d’une vie intérieure. Car aucune oeuvre écrite ne peut surgir d'ailleurs que d'une intériorité, laquelle consent à se révéler et à se dire, laquelle appartient elle-même à un lecteur, non seulement éventuellement d'une quantité d’oeuvres écrites et produites par des consciences qui s'expriment, mais aussi d'une réalité dont elle se constitue l'interprète, pour la regarder telle qu'elle est, pour en examiner toutes les coutures, pour en interpréter les directions, les possibilités, les intentions secrètes, lorsqu'il s'agit de moments produits et façonnés de toute pièce, pour faire surgir les émotions et susciter des réactions qui, même virtuelles, peuvent être révélatrices d'une disposition inconnue et insoupçonnée, un point de départ ou d'aboutissement, inscrit dans l'histoire ou se situant hors du temps, pour en laisser deviner les qualités et les traits des auteurs lorsque ceux-ci préfèrent demeurer anonymes ou cachés. Si lire, c'est un peu participer au mystère de l'auteur, écrire, c'est un peu participer au mystère de la nature, animée ou inanimée, qui inspire la tentative d'en révéler tous les aspects et d'en connaître la face cachée.

Lire et écrire donc sont deux activités complémentaires, deux faces distinctes d'une même pièce, toutes deux évocatrices du mystère. Un mystère qui par définition est inconnaissable, et qui pourtant interpelle l'effort de la conscience à en percer le contenu et à le révéler plus ambitieusement au monde entier, le plus souvent à un auditoire un peu plus discret, parfois avec désintéressement, mais souvent avec un désir secret d'être valorisé et reconnu pour le génie qui dans cette action est révélé. Car, se situant au plan du mystère, deux êtres métaphysiques se trouvent en opposition: la cause du mystère, i.e. l'être qui l'engendre et lui donne une vie, une autonomie, et le témoin du mystère, i.e. celui à qui le mystère dans son existence se révèle et qui se sent interpellé, non seulement à le comprendre, mais aussi à révéler à la fois cette existence mystérieuse et ce que l'on peut en avoir compris.

Car il y a quelque chose au le mystère qui vaut en soi, le fait qu'il y ait mystère, ce qui situe celui-ci au-delà même de l'inconnu puisque dans le mystère il y a le pressentiment de quelque chose qui est au-delà même de la capacité de l'entendement humain à le saisir complètement. Pour celui qui est social et qui réalise sa sociabilité, ce quelque chose, peu importe qu'on le comprenne réellement selon son essence la plus intime, exige d'être divulgué en tant qu'événement à ceux qui pourraient être rejoints par une telle actualité. Comme il y a quelque chose dans le mystère qui nargue l'entendement, qui le défie, qui l'aguiche, qui lui demande de se dépasser, de se surpasser, d'éprouver son génie, de risquer de se heurter irréparablement à ses propres limites comme heureusement d'en réaliser et d'en découvrir les possibilités insoupçonnées. Et parfois même il y a l'intuition, issue de nulle part, l'inspiration, spontanément acquise et
surgissant inopinément, en elle-même mystérieuse mais toujours la bienvenue, comme une rosée du matin ou encore une grâce qui apporte avec elle la joie, qui vient en soulever un coin ou peut-être même un pan du voile, offrant sur lui une perspective qui, tout en apparaissant d'une clarté et d'une évidence éblouissantes, s'avère inénarrable puisque s'adressant à une dimension ineffable de sa propre intériorité.

Car avant tout, pour celui qui est gratifié de sa conscience, le mystère est. Tout effort à la saisir et à l'interpréter dans sa complétude est par anticipation voué à l'échec, puisqu'il dépasse la capacité innée et radicale de l'entendement humain. Car la nature de l’homme étant inscrite dans le temps, entre les moments extrêmes d’une origine devant laquelle il est impuissant et d’une fin à laquelle il ne saurait dicter, tout en pouvant y participer, comment peut-il prétendre les connaître intimement comme s’il pouvait en être la cause et la raison originelle? Mais il répond à tout effort à en saisir et à en interpréter l'un ou l'autre aspect, de façon parcellaire ou globale, en embrassant la réalité plus ou moins totalement, la saisissant dans son ensemble plus ou moins adéquatement, incitant ainsi la conscience à une amplification et à une réalisation de sa possibilité, un peu comme les rayons du soleil, réchauffant et illuminant la nature entière, stimule, caresse et baigne chaque fleur de ses rayons, l'incitant à croître et à s'épanouir, valorisant ainsi toutes les possibilités existentielles de son être agissant de fleur. Car c'est dans la nature de l'entendement de comprendre, voire imparfaitement et incomplètement, d'autant qu'il fait lui-même partie intégrante de ce mystère, en tant que possibilité d'action sur lui, où qu'il se présente, dans le for intérieur de l'âme comme dans le forum de la réalité, naturelle et sociale, matérielle et spirituelle.— Plérôme.

dimanche, août 14, 2005

02 — Lire n'est pas uniquement une affaire de texte

Lire, c'est beaucoup plus que simplement identifier les idées et les intentions derrière un texte écrit. C'est aussi, et peut-être surtout, reconnaître ce qu'une situation renferme de particulier, en quoi elle peut offrir des possibilités, quels avantages ou quels désagréments pouvant en résulter et quels sont les risques courus, quels peuvent en être tous les aspects, les facteurs qui la produisent, la continuent et la perpétuent ainsi que les résultantes possibles.

Lorsque l'on sait qu'à l'origine, l'écriture tenait à la fois du mystère et du prodige, on comprend mieux quelle utilité elle peut avoir pour nous encore aujourd'hui. Autrefois, elle tenait lieu de parole, de parole qui ne pouvait se transmettre de vive voix, parce qu'elle renfermait des secrets qu'il convenait de ne pas ébruiter, parce qu'elle distinguait ses utilisateurs, qui pour la plupart appartenaient aux plus hautes castes de la société, parce qu'elle était un moyen de communion au sacré qui n'était réservé qu'à une élite, parce qu'avec les signes qui en masquaient le message, elle protégeait ses utilisateurs des dangers qui les auraient menacés, si le contenu de leur propos arrivait à des oreilles mal disposées à les recevoir.

L'écriture tenait de la magie, elle qui à travers des signes mystérieux avait la capacité de transmettre les pensées qui se véhiculaient par elle sur de longues distances et à travers le temps. De sorte que ceux qui avaient le don d'en faire usage étaient vus comme des êtres extraordinaires, dont le pouvoir était à craindre, puisqu'incompris et pouvant agir à distance, de façon occulte, implicitement maléfique, sans possibilité d'être influencés dans leur action, dès que celle-ci était accomplie. Tout au plus pouvait-on soupçonner les auteurs d’une éventuelle malveillance, sans entrevoir au juste comment s’opérait leur action invisible. De plus, appartenant à un ordre social bien défini — shaman, prêtres ou mages —, la distance entre ceux-ci et les autres castes sociales ne s'en trouvait que mieux assurée. Si ce mystère contribuait à augmenter, à multiplier l'effet de leur pouvoir de médiation entre les forces surnaturelles et les hommes, il pouvait aussi être détourné à l'avantage politique et économique plus immédiat des membres de cette classe privilégiée.

Il était ainsi possible de reconnaître dans l'écriture le moyen d’une formation et d’une concrétisation du monde, d'un monde qui était toujours à la jonction du visible et de l'invisible, l'écriture étant à la fois visible par les traces qu'elle laissait, et invisible par les effets qu'elle opérait. Le monde devenait alors ce que les intentions derrière l'écriture en dictaient, comme il se figeait sous leur impulsion selon les aspects dont la protection et la conservation étaient estimées souhaitables. Car si l'écriture cherche à communiquer un propos, une intention, un sentiment, un désir ou une marche à suivre, elle agit surtout sur les consciences, lesquelles sont par la volonté à l'origine de toutes les actions qui subséquemment peuvent être entreprises par les êtres qui en sont pourvus.

L'aura de sublime grandeur et la crainte religieuse qu'inspirait ce rapport de l'écriture au sacré n'était pas étranger au cours toujours adéquat que l'on pouvait attendre de ses effets. Tel était le pouvoir de l'écriture alors que l'on croyait, à juste raison, et selon l'ascendant que les scribes particuliers pouvaient posséder, en énonçant leur propos au nom de leur ordre ou de leur caste — car pour la plupart ils demeuraient à titre personnel anonymes —, ou encore en transmettant fidèlement le propos d'un notable ou d'un souverain, qu'elle pouvait constituer la garantie d'un monde qui existerait toujours comme on le connaissait parce que parfait selon l'intimité du rapport qui l'unissait à son Dieu. Grâce au scribe, on était en mesure de connaître la perfection du monde, pourvu que l'on ait été initié à l'art de déchiffrer ce que sa plume en traduisait sur le parchemin. Art dont la richesse est inestimable, pourvu d’en posséder le secret. Art qui, par conséquent, était l’apanage d’un petit nombre, seul jugé digne de participer à ce savoir privilégié. — Plérôme.

samedi, août 13, 2005

01 — Pourquoi «anagnosis» ?

Pourquoi intituler un blog «anagnosis», mot qui en grec veut dire lecture? Pour mieux paraître savant? Pour autrement se rendre intéressant? Ou peut-être simplement pour faire passer un message...

On vit dans une culture où lire devient de moins en moins important. La télévision, le cinéma, les films DVD, les disques CD, l'ordinateur et tous les autres moyens de télécommunication avec lesquels nous sommes inondés nous ont décrochés de la lecture et nous ne nous en sentons que mieux. Sans parler de tous ces engins qui, sous prétexte de nous épargner du temps, font passer au plan du souvenir ce qui hier tenait de l'habileté, du savoir-faire et de l'effort. Car toute cette panoplie de moyens exprime la liberté de disposer immédiatement de toutes les informations requises, de jouir instantanément du moment présent, de ne pas avoir à demeurer en attente de ce qui alimente le désir: sans remarquer cependant que cette situation cache un piège, étant peut-être distrait de l’évidence qui ainsi passe inaperçue.

Lequel piège, me direz-vous? Que peut-on avoir à craindre d'une situation qui comble toutes les attentes et répond à celles-ci avant même parfois que nous ayons pu les formuler explicitement? Le leurre est précisément cette facilité avec laquelle tout survient; le piège qui guette est donc celui de la facilité.

Tout ne peut être que plaisir. Croire cela, c'est déjà se situer sur une déclivité qui rapproche encore de la stagnation, de l'oubli. Car c'est une loi inéluctable de la vie que ce qui en elle en vient à nous sembler le plus valable est le résultat d'un effort, se gagne, se mérite, procède d'une aspiration que l'on définit et que l'on cherche à réaliser. La vie humaine elle-même est une victoire sur les courants qui nous entraînent, sur les fatalités qui l'assaillent, sur les facilités qui se révéleront funestes à ceux qui oublieront de s'en méfier. Trop de plaisir peut mener à la veulerie, trop de facilité, à la lâcheté du caractère. Lorsque les véritables difficultés se présenteront, elles risqueront de laisser désorienté, démuni, désemparé...

Or, si lire, c'est ce qui se fait avec les livres, c'est aussi l'opération que mène l'esprit lorsqu'il déchiffre les pièges de l'existence, pour comprendre quelles sont les situations qui favorisent la vie et quelles sont celles qui le font glisser sur la pente du laisser-aller et du manque d'initiative, laquelle nous laisse à la merci des forces négatives et parfois délétères.

Lire, c'est comprendre: comprendre comment les choses se passent, comment elles se sont passées, et nous permettre peut-être d’entrevoir dans l’intuition comment elles pourraient se passer si certaines conditions analogues et propices se réunissaient pour les produire. Lire, c'est entrer en relation avec un autre univers, celui de l'autre, de l'autre personne, de l'autre temps, de l'autre lieu, d'autres mœurs, d'autres situations. La constante, dans tout cela, c'est que tous nous participons à une même nature vivante, à une même nature humaine, de sorte que l'expérience de l'altérité devient à la fois une fenêtre sur un aspect de soi-même dans son universalité et une interpellation de son individualité en fonction de l'individualité d'autrui. Car si les réactions à des situations semblables peuvent être semblables, elles ne sont jamais identiques, et les réponses apportées à des situations problématiques peuvent chercher à améliorer ce qui survient et leur donner une issue plus heureuse.

Lire donc, c'est une nécessité, laquelle nous permet de nous extraire de cette passivité qui risque de nous entraîner le long d'un parcours que l'on souhaiterait peut-être éviter, si son point d'arrivée devenait prévisible. Apprendre à lire, savoir lire, enseigner à lire, voilà donc une aptitude qui, se fondant sur la réflexion sérieuse, ne peut nuire à personne. Car du texte écrit, on peut procéder vers le texte vécu. Et comme dans le texte écrit, tout n'est pas dit, tout ne saurait se dire, dans le texte qui appartient à l’ordre du vécu, il y a beaucoup de non-dit et d'inénarrable que seule une lecture approfondie permettra d'approcher, sans jamais le toucher vraiment. — Plérôme.